Naturellement, Jean-Claude Baudroux
C’est là dans le parc de Montaigu ou disposé dans la salle du Musée du fer.
Il va bien falloir en faire quelque chose, de cette scénographie agençant des pièces qui répondent à l’architecture transparente des verres de Prouvé ! Prenez le socle d’une œuvre par exemple Normalement c’est discret, ça cherche à se faire oublier, un socle! Ça essaie de disparaître ou de se fondre dans les gris et les couleurs neutres de l’environnement. Eh bien, cette confortable conception-là est bousculée. Peut être même qu’il faudrait « s’asseoir dessus » comme pourrait nous inviter la chaise de l’ancêtre stylite, là, dehors. Elle est si haut perchée d’ailleurs, sur les colonnes marbrées, si brillante au soleil de tous ses éclats de cristal, que l’on ne peut plus ignorer le socle, qui se donne à voir comme une sculpture. D’autant que, placée comme elle est, elle pourrait bien vous offrir une malicieuse tribune pour regarder passer les trains. Les massacres aussi se juchent sur quatre longs pieds d’acier pour venir, jusque sous votre nez, hisser leurs pointes de verre, à partir d’un nouveau socle, encore un! fait de terre froissée comme les pages d’un livre en désordre. Alors, il est nécessaire d’adopter une démarche particulière pour accompagner le mouvement de l’artiste lorsqu’il cherche, qu’il déplace une chose, la repose ailleurs, essaie autrement avec un autre outil, une autre couleur, une autre consistance, tiens comme ça, avec de temps à autre cette évidence qu’on sait qu’on y est, que c’était ça qu’on cherchait naturellement ! C’est comme ça que, le premier étonnement passé, vous êtes obligés d’aller plus loin. Par exemple, ces Colonnes couchées, lorsque vous aurez pris la mesure de leurs masses et de leurs formes industrielles, vous serez aussitôt contredit par la plume, jusque dans les sites pétrifiés : outils, pièges, cordes, cages qui apparaissent suspendus ou ordonnés dans de longues caisses noires, comme ce Fil à plomb qui, tout en vacillant démontre la permanence de la verticalité. Creusées dans le vif de la matière, les immenses lingots bordent la Moselle à Pompey. On voit ici leurs maquettes alignées le long des vitres. Par le feu, l’artiste a donné sa forme à cet alignement qui prend paradoxalement son sens en accompagnant, immobile, le courant du fleuve. A l’inverse, les gravures des Vivaces ne donnent à voir que l’encre qui s’est réfugiée dans les entailles du cuivre, montrant des images infinies, chacune d’elle rappelant la précédente et appelant la suivante.
Comme vous, Jean François Chevalier sort chargé de chacune de ses rencontres, qui le mettent au travail dans l’atelier où tout se construit, se transforme. C’est l’alchimie de l’artiste, qui laisse faire les choses autant qu’il les fait, qui laisse la nature s’imposer, se donnant toutes les chances d’expérimenter, de perdre du temps, de le retrouver, de faire, de découvrir.